Le groupe
Introduction
Sommaire
I. Définir le groupe
1. Etymologie
2. Quand le groupe devient un objet scientifique
3. Comment comprendre l'apparition tardive de ce concept ?
4. Vers une définition
II. Les différents types de groupe
Schéma de classification des groupes d’après leur taille
Classification de D. Anzieu et Martin (1968)
Eléments de contenu
I. Définir le groupe
1 Etymologie
Le terme de groupe vient de l’allemand « krop » qui signifie cordage, rouage, lien. La notion de lien est très importante : par exemple lorsqu’un groupe est soumis à une pression (peur…), il se crée des liens très forts. Dès que la pression se relâche, le groupe se désunit, apparaît alors une dépression.
Ce mot, « krop », a donné le mot italien « gruppo » qui correspondait à un exercice d’architecture où le sculpteur faisait naître de la pierre, des personnages unis par un socle.
En français, c’est un mot récent : premier emploi par Molière en 1669. Le mot se répand vite et désigne vers le milieu du XVIIIème siècle une réunion de personnes.
Il faut attendre Lewin en 1944 pour le voir apparaître en tant que notion théorique, et ce dans le champ de la psychologie sociale.
2. Quand le groupe devient un objet scientifique
L’idée est que les faits de groupe se distinguent :
Des faits psychiques individuels
Parce qu’ils se rapportent à une pluralité ou un conglomérat d’individus. Les phénomènes de groupes ne se manifestent pleinement qu’à partir de quatre membres. Il y a une unité d’esprit des membres d’un groupe provenant de l’attraction exercée par le groupe sur eux.
Lewin dit ainsi que « l’essence d’un groupe est l’interdépendance de chacun de ces membres »
L'espace groupal produit des phénomènes singuliers. Le groupe peut ainsi sembler réagir comme un être unique.
Des faits sociaux
Les sociologues utilisent le terme de groupe pour parler des groupes sociaux mais le groupe en psychologie sociale, c'est différent. Lorsque des personnes sont présentes ensembles et cela entraîne des effets particuliers.
Les groupes sont des structures intermédiaires entre l’individuel et la société, ils sont un lieu d’échange et de construction psychologique et sociale. C’est d’ailleurs en partie au moins ce qui fait leur intérêt pour les psychologues.
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Lieu de construction psychologique
Nous passons la majeure partie de notre vie, insérés dans des groupes. L’appartenance à des groupes est donc une caractéristique fondamentale de l’espèce humaine. De ce fait, ceux-ci jouent un rôle déterminant. A travers eux, l’individu est formé, façonné par la société dans laquelle il vit. Le premier groupe, dans lequel l’individu est pris malgré lui est la famille. D’ailleurs, les individus se présentent en se référant à leurs groupes d’appartenances. Importance aussi des groupes de référence
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Lieu de construction sociale
Le groupe est un puissant médiateur de transformation sociale et culturelle. Il transforme notre monde par la production d’idées, de règles, de biens et de culture qui nous reflètent…
3. Comment comprendre l’apparition tardive de ce concept ?
Pourquoi les phénomènes de groupe sont restés longtemps méconnus ?
- Résistances sociales et politiques : risque de complot, subversion et contre-pouvoir et donc crainte des rassemblements.
- Résistances psychologiques : angoisses (p.ex. métaphore de la bouche, morcellement, dépersonnalisation). Lieu dangereux, aliénant, perte d’autonomie
Il y a donc une peur et des représentations imaginaires négatives du groupe. Le groupe est fait pour être vécu totalement non pour qu’on l’étudie. implique de se décentrer. Difficile de penser sa place qui renvoie aux appartenances primaires, peur de l’exclusion, blessure narcissique.
Importance du contexte pour comprendre l'émergence de la notion
En 1944, changement de contexte : Révision du postulat individualiste par LEWIN après la seconde guerre mondiale. Dans l’ère postmoderne le groupe devient l’antidote de la massification sociale. Le groupe démocratique permet la réalisation de désirs communs.
Les années 70 remettent en vigueur la tradition anarchique selon laquelle le groupe s’autogère, s’autorégule. Le groupe se développe donc comme outil de formation, lieu propice au changement à visée sociale ou thérapeutique.
4. Vers une définition
« Un groupe est en effet autre chose que la somme des parties qui le composent. » Lewin
Pour qu’il y ait groupe, au sens psychologique du terme il faut 4 ingrédients :
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Objet commun
Une personne décide de se joindre à un groupe lorsqu’elle sait qu’elle pourra ainsi atteindre un ou des objectifs individuels (Les motifs personnels des membres qui influent sur leur comportement à l’intérieur du groupe). La constitution d’un groupe présuppose que ses membres aient un intérêt commun suffisamment important pour que cet intérêt soit intériorisé par chacun de ses membres. L’intérêt en commun devient alors l’intérêt commun (but que le groupe cherche collectivement à atteindre). Convergence des efforts pour réaliser une œuvre commune est une des caractéristiques de l’équipe mais plus largement du groupe. L’objet peut être une activité, un centre d’intérêt une idée. Ex de l’abri bus
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Frontières
Tout groupe s’établit en rapport avec d’autres groupes, il instaure donc des limites qui créent un sentiment d’appartenance pour ses membres conformes et le rejet des membres non conformes. C.H. COOLEY, sociologue américain : « Le moyen le plus simple de décrire cet ensemble est peut-être de dire que c’est un « nous ». Il contient cette sorte de sympathie et d’identification mutuelles pour lesquelles « nous » est l’expression naturelle ».
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Interactions
Un ensemble de personnes ne constitue pas un groupe s’il n’y a pas d’interactions entre ces personnes.
Dans son ouvrage, la dynamique des groupes, Roger MUCCHIELLI écrit : « Un agrégat de personnes n’est groupe que si des liens de face à face se nouent entre les personnes, mettant de l’unité dans leur « être là ensemble ». Le groupe est une réalité dans la mesure où il y a interaction entre les personnes, une vie affective commune, et une participation de tous, même si cette existence groupale n’est pas consciente et même si aucune organisation officielle ne l’exprime ».
La personnalité de chaque individu, (que l’on peut observer au travers de ses paroles, son comportement, ses attitudes…), est alors en interrelation avec les personnalités des autres membres. Elle est influencée par les réactions, les paroles, les attitudes à son égard…Chaque membre du groupe construit une représentation mentale des autres avec lesquels il communique personnellement.
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Organisation
Le groupe a ses propres règles de fonctionnement qui dépendent d’un certain nombre de raisons rationnelles (l’objectif poursuivi, la nature de la tâche, les conditions matérielles du travail…) et de raisons informelles, psychologiques, sociales et affectives qui déterminent les comportements des individus les uns par rapport aux autres. Les membres d’un groupe prennent des rôles et des statuts différents et établissent des normes. L’organisation ainsi instituée est susceptible d’être réorganisée en fonction de la pratique du groupe.
Les règles informelles que les membres déterminent entre eux génèrent des pressions de conformité. Plus le groupe est solidaire, plus les pressions de conformité sont grandes. Ces règles sont puissantes et obligent chaque membre à s’y conformer au risque d’être exclu ou de devenir le « souffre-douleur » sur lequel le groupe peut déverser une foule de sentiments aussi négatifs que farfelus. Roger MUCCHIELLI parle de « sanctions groupales (mépris, raillerie, mise en quarantaine…), qui punissent les « infractions » aux standards, en référence à une sorte de règlement informel parfois en contradiction avec le règlement officiel. »
II.Les différents types de groupe
1.Schéma de classification des groupes d’après leur taille
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Un groupe comporte au moins 3 personnes, condition nécessaire pour que se constituent des coalitions plus ou moins durables. Toutefois certains auteurs considèrent qu’il faut 4 personnes (où le nb d’interactions possibles est supérieur au nombre de participants pour entrer réellement dans la dynamique de groupe.
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De 3 à 5 personnes, on parle de petits groupes, généralement non structurés, et dont les activités sont le plus souvent spontanées et informelles, par exemple du type « conversation ».
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De 6 à 13 personnes, il y a constitution de groupes restreints, pourvus généralement d’un objectif et permettant aux participants des relations explicitent entre eux et des perceptions réciproques ; chacun a une perception individualisée de l’autre et que les échanges interindividuels sont nombreux. ils sont partiellement ou totalement consacrés à la réunion-discussion. Dispositif de formation permettant par une expérience groupale intensive une sensibilisation aux phénomènes de groupe.
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De 14 à 24 personnes, on a affaire à des groupes étendus, tels que commissions de travail, des groupes pédagogiques pratiquant des méthodes actives ; ils sont difficiles à conduire, en raison de leur tendance à la subdivision.
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De 25 à 50 personnes, on se trouve en présence de groupes larges, visant généralement la transmission des connaissances (classes scolaires), la négociation sociale (conventions collectives, accords d’entreprise), l’information réciproque
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Au-delà de 50 personnes, il s’agit d’assemblées, qui nécessitent une structure permanente (Bureau, Commissions) et l’emploi de procédures déterminées par un règlement intérieur.
2. Schéma de classification des groupes en fonction de leur degré d’organisation, Classification de D. Anzieu et Martin (1968)
La foule est caractérisée par un degré d’organisation très faible, un grand nombre de participants, situés dans un même endroit sans l’avoir voulu explicitement. Chacun est là pour son propre compte et cherche à satisfaire en même temps une même motivation individuelle. Ici sont exclues les manifestations préparées. « La foule se définit par la psychologie de la simultanéité ». La foule est sujette à la contamination des émotions.
Voir la description de la foule de Gustave Le Bon en 1895.
La bande se caractérise par le nombre réduit comparativement à la foule. Les membres sont réunis volontairement et ont du plaisir à se retrouver parce que l’exigence d’adaptation est supprimée ou suspendue. La bande est éphémère soit parce qu’elle peut rentrer en sommeil et se réveiller pour de sporadiques discussions ; ou soit que les membres évoluent psychologiquement et se désengagent ainsi du groupe.
Caractérisé par un degré d’organisation faible, un petit nombre de participants et animée par la recherche du semblable.
La bande est caractéristique de regroupement des adolescents.
- Elle est constituée d'individus semblables et de même âge (rejet de la différence).
- Chacun a un rôle bien défini dans la bande (leader, comique...).
- La bande a pour fonction d'éviter la solitude, de permettre l'identification par rapport à un modèle, de prendre en charge les désirs de l'individu, de s'essayer à la transgression des interdits dans un espace sécurisé.
- Chaque individu y trouve compréhension, sécurité, revalorisation narcissique.
Le regroupement est une réunion de personnes en petit, moyen ou grand nombre. La périodicité des réunions est plus ou moins importante avec une constance relative des objectifs. Le but principal est de répondre à un intérêt de ses membres ; c’est le cas des associations du genre Loi 1901.
Caractérisé par un degré d’organisation moyen, un nombre de participants variable et marqué par des relations humaines superficielles.
Le groupe primaire est déterminé par son nombre restreint et par le fait que les participants développent un sentiment de communauté de substance. Les participants ont en commun les mêmes buts. Il existe une interdépendance, une solidarité en dehors des réunions et actions communes, très forte, d’où la constitution de sous-groupes (relation affective). Des normes, des signaux et des rites propres s’érigent.
Caractérisé par un degré d’organisation élevé, un petit nombre de participants et orienté vers des actions importantes et novatrices.
Le groupe primaire est en général restreint, mais les auteurs nous donnent une grille d’analyse nuançant les deux termes. Le groupe primaire est nuancé par les liens personnels, intimes, chaleureux qui s’installent ; alors que le groupe restreint (6 à 13 personnes) connote une dimension numérique. Parler de groupes primaires sous-entend qu’il existerait des groupes secondaires.
Le groupe secondaire ou organisation (hôpital, école, entreprise, parti politique) voit ses membres poursuivre des buts similaires ou complémentaires.
Caractérisé par un degré d’organisation très élevé, un nombre variable de participants et déterminé par des buts et des actions planifiées.
Bibliographie
Aebischer V., Oberle D., Le groupe en psychologie sociale, Paris, Dunod, 1990.
Anzieu D., Le Groupe et l’Inconscient, Paris, DUNOD, 1999 (1ère éd. 1975).
Anzieu D., Martin J.Y., La dynamique des groupes restreints, Paris, PUF, 1997 (1ère éd. 1968).
Levy A., Textes fondamentaux anglais et américains, Paris, Dunod, 1965
Maisonneuve J., La dynamique des groupes, Paris, PUF, collection QSJ, 1987.
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